Le 100 % Santé, autrement appelé Reste à charge zéro (RAC 0) n’est pas simple à appréhender. On vous le décrypte pour comprendre les enjeux de cette réforme.
C’était une des promesses de campagne du candidat Macron qui souhaitait que la Sécurité sociale et les mutuelles prennent en charge intégralement certaines lunettes, prothèses dentaires ou auditives. Et ce afin de faciliter l’accès aux soins, quel que soit son niveau de vie. L’idée est de faire reculer le nombre des assurés – ils seraient 17 % selon la ministre de la santé – qui renoncent à certains de ces soins du fait du coût élevé du reste à charge. Ce dernier est, toujours selon la ministre, en moyenne de 50 % du coût pour l’audioprothèse, 22 % pour l’optique et 23 % pour le dentaire.
Concrètement cela veut dire que pour l’achat d’une paire de lunettes à 500 euros, la sécurité sociale et sa mutuelle remboursent 390 euros et l’assuré doit verser un reliquat de 110 euros de sa poche. Mais pour bien cerner les enjeux de la réforme, il faut bien en préciser les contours. D’abord, contrairement à une idée reçue, le dispositif ne concerne pas tous les Français, mais seulement ceux disposant d’une mutuelle. 1,9 million de personnes, parmi les plus démunies, ne sont donc pas concernées par la réforme. Pire, ceux qui n’ont qu’un contrat de base n’y auront pas toujours forcément accès.
Ensuite, tous les actes ne seront évidemment pas pris en charge à 100 %. Dans chacune des trois catégories (vue, audition, dents), des paniers de soins ont été définis ainsi que trois niveaux de prise en charge : « remboursement total », « remboursement partiel » ou « tarif libre » où le patient paiera la prestation sans limite de prix. Certaines couronnes en céramique, par exemple, seront remboursées pour les dents de devant mais pas pour celles de derrière alors que les couronnes métalliques seront prises en charge intégralement quelles que soient les dents concernées. Pas simple ! Heureusement, un décret, paru le 12 janvier 2019, vient préciser le dispositif. Côté calendrier, il confirme qu’à partir du 1er janvier 2020, tous les contrats “responsables” des mutuelles, c’est-à-dire ceux qui s’engagent à une modération des tarifs en échange d’une fiscalité adoucie, qu’ils soient souscrits ou renouvelés, intégreront le 100 % santé pour les soins optiques et dentaires. Il faudra attendre une année supplémentaire, soit le 1er janvier 2021, pour les soins auditifs. Partie tarifs, on y voit un peu plus clair pour les lunettes. Les plafonds de remboursement s’échelonneront de 420 euros (verres simples) à 800 euros pour les verres progressifs. Dans tous les cas, la prise en charge d’une monture sera limitée à 100 euros.
Pour les dents, rien n’est totalement figé. Car les remboursements vont s’opérer via une convention signée entre la profession et la Caisse d’Assurance Maladie en cours de discussion. Elle prévoit pour l’instant un remboursement à 100 %, à partir de 2020 pour les bridges et couronnes mais pas pour les implants. Certains dentiers seront eux aussi pris en charge à 100 %, mais seulement à partir de 2021. Pour l’ouïe, le décret prévoit un remboursement total sur la base de tarifs encadrés qui tendront progressivement vers un plafond de 950 euros en 2021. Parallèlement, le remboursement de la sécu s’élèvera progressivement jusqu’à 950 euros en 2021. Pour les appareils auditifs plus onéreux, des tarifs libres sont prévus. Le montant pris en charge par la Sécu et la complémentaire ne pourra pas dépasser 1 700 euros par appareil.
Les gagnants et les perdants de la réforme
« La réforme va avoir un effet déceptif. Il y aura plus de perdants que de gagnants, a déjà prévenu Éric Lefort, le vice-président du Groupement des industriels et fabricants de l’optique (Gifo). Selon lui « l’introduction d’un panier « 100 % Santé » évalué à près de 20 % des achats actuels de lunettes ne bénéficierait qu’à une minorité de Français ayant besoin de lunettes. Pour la majorité d’entre eux, l’abaissement du plafond de remboursement des montures entraînerait une hausse importante de leur reste à charge, ce qui semble être contradictoire avec l’objectif annoncé de la réforme ». Si les professionnels s’inquiètent autant, c’est que la réforme va faire mal aux tiroirs-caisses. Rien que la baisse du plafond de remboursement des montures d’optiques à 100 euros devrait engendrer une diminution des revenus des opticiens de 160 millions d’euros par an. Mais cette réforme devrait surtout coûter près d’un milliard d’euros par an à l’Assurance-maladie et aux mutuelles. Et ces dernières, pourraient bien faire payer le prix fort à leurs clients, contrairement à ce qu’avait promis le gouvernement. Les premières estimations anticipent que les mutuelles devront augmenter leurs tarifs de l’ordre de 7 %, en moyenne, à partir de 2019, mais surtout en 2020 et en 2021. Les plus durement touchés seront les retraités qui vont devoir encaisser une hausse des cotisations de l’ordre de 10 %, soit en moyenne 200 euros pour un couple de retraités pour conserver une prise en charge moyenne de mutuelle. Concernant un couple avec deux enfants, il faudra compter 42 euros de plus alors qu’un étudiant devrait payer 36 euros supplémentaires chaque année. Des chiffres à affiner, qui évolueront certainement en fonction du nombre de personnes qui utiliseront le reste à charge zéro.
Quels impacts pour les entreprises ?
La réforme du 100 % Santé aura-t-elle des impacts forts pour les entreprises avec, notamment, une baisse des prestations à prévoir pour leurs salariés ? « Non ! », pour le courtier Gras Savoye Willis Towers Watson qui estime que cette réforme « s’auto-équilibre » d’un point de vue macroéconomique. Pour le vérifier le courtier Gras Savoye Willis Towers Watson propose désormais à ses entreprises clientes un outil en ligne pour estimer l’impact de la réforme. Dans le détail, le courtier prévoit une hausse des prestations pour les contrats d’entrée de gamme à hauteur de 4 %, en raison d’une fréquence de consommation « probablement » plus importante. Pour les contrats de moyenne gamme, l’impact serait neutre. Enfin, pour les régimes haut de gamme, les prestations pourraient être amenées à diminuer jusqu’à 6 %. Son de cloche différent pour le cabinet de conseil en ressources humaines Mercer France qui pronostique une hausse des cotisations pour les entreprises de 5,6 % à 8,9 % pour les contrats entrée de gamme et de 1,6 % pour les contrats haut de gamme. En attendant, Agnès Buzyn, la ministre de la santé a annoncé la création d’un comité de suivi de la réforme pour veiller au grain et surveiller les impacts du dispositif sur les tarifs.